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Cette collection de classiques, depuis le début, c'est ma bibliothèque numérique personnelle, constituée au fil des années. Mon cabinet de curiosités, les textes auxquels je suis le plus attaché.
Nous proposons simultanément deux textes majeurs de Marivaux, mais beaucoup, beaucoup trop méconnus. Pourquoi, parce que révolutionnaires avant l'heure, instables, malsains ?
Parce que, dans ces deux pièces brûlots, écrites et jouées à 20 ans d'intervalle, en 1725 et 1744, Marivaux, le roi du travestissement, des fausses apparences, le funambule des jeux de dialogue, prend pour thème l'ordre social lui-même, et la domination d'un homme sur un autre homme.
Pour chaque texte, une idée de départ renversante : dès leur naissance, deux garçons et deux filles ont été élevés dans des murs, sans aucun contact avec l'humanité. Le Prince vient assister au lâcher des fauves : on les met en présence, on les confronte à un miroir - ce qui fonde notre humanité part-il d'un principe naturel ? Et s'ils réinventent nos perversions, cela les justifie-t-elle ? Voilà pour La Dispute, dont Koltès a fait l'exergue à son Solitude dans les Champs de Coton. Ou bien, voici des naufragés dans une île où les maîtres deviennent esclaves, et les esclaves, maîtres. C'est une république, mais on ne peut s'enfuir. Comment chacun va-t-il se glisser dans la peau du rôle contraire à ce que le destin lui avait assigné ? Voilà pour L'Île aux esclaves.
Marchandises dangereuses, manipulation de l'être humain : mais on est sur la scène de théâtre, c'est Arlequin, à la fois naïf et rusé, avec le grain de méchanceté qu'il faut. Trop osé pour Louis XV : par un ultime artifice rhétorique, qu'il affectionne, Marivaux fera bien rentrer tout son dispositif dans l'ordre, avant de ranger.
Il me semblait important de proposer ensemble ces deux singularités majeures, ces prouesses de la langue, mais ces deux laboratoires à cru de la nature humaine. Un prodige - on est quelques-uns à le savoir, on le met en partage.
Chacun des textes, à titre exceptionnel dans publie.net, est accompagné d'une présentation d'une dizaine de pages.
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Qui de nous n'aurait pas pleuré à la mort de Joli-Coeur ?
Rappelez-vous, Joli-Coeur, le singe de Vitalis, musicien de rue, montreur de spectacles par les villages, avec son singe et son chien Capi.
Sans Famille a été pour des milliers et milliers d'entre nous le livre de l'enfance, le grand livre de l'initiation.
L'enfant trouvé, vendu par le méchant pour 40 francs au musicien errant, mais c'est celui qui lui apprendra à lire, chanter et jouer de la harpe.
Nous vivions alors chacun dans nos villages. Le monde était inconnu. Perec lui aussi se gavera de ces livres comme Le tour de France de deux enfants, qui nous permettaient de savoir ce qu'il en était, au-delà de l'horizon visible.
Vitalis va emmener Rémi de ville en ville, par les provinces, jusqu'à Paris. Il y aura la prison, l'injustice, et l'hiver avec la mort du petit singe. Puis Paris et cet aperçu sur l'enfer. Vitalis n'y survivra pas.
L'orphelin s'en va seul, apprend tous les métiers. Il sera jardinier, il descendra dans la mine. Et puis le rejoindra Matta, Italien comme l'était Vitalis, musicien né, et avec qui la musique des rues revient au premier plan.
Tout ce livre est une obsession de musique et chant. Dans
le sombre roman de l'enfant volé, puis le long chemin des retrouvailles, souvent c'est la musique, et le spectacle, qui les sauveront.
Comment ne pas renouer adulte avec Vitalis et Rémi ? La carte de France, par ses hommes et ses villages, est restée la même, sous l'immense humanité de ce texte.
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L'homme a, sur cette planète, domestiqué les animaux utiles, détruit ceux qui étaient nuisibles. Il a défriché la terre et l'a dépouillée de sa végétation sauvage. Puis, un jour, il disparaît, et le flot de la vie primitive est revenu sur lui-même, balayant l'oeuvre humaine. Les mauvaises herbes et la forêt ont derechef envahi les champs, les bêtes de proie sont revenues sur les troupeaux, et maintenant il y a des loups sur la plage de Cliff-House ! (...) Si quatre millions d'hommes ont disparu, en un seul pays, si les loups féroces errent aujourd'hui à cette place et si vous, progéniture barbare de tant de génie éteint, vous en êtes réduits à vous défendre, à l'aide d'armes préhistoriques, contre les crocs des envahisseurs à quatre pattes, c'est à cause de la Mort Écarlate !
Trésor de l'anticipation publiée aux États-Unis en 1912, La peste écarlate, ici proposée en lien avec la nouvelle d'Edgar Allan Poe qui l'a inspirée, est un indispensable de la littérature post-apocalyptique mondiale. Traduction d'époque revue, corrigée et modernisée pour cette édition -
La belle et la bête
Jeanne-Marie Leprince de Beaumont
- Publie.net
- Classiques
- 29 Août 2011
- 9782814505148
Quelle vie que celle de Jeanne-Marie Leprince, d'abord chanteuse et musicienne, puis mariée à un soudard viveur qui dilapide sa dot et a le bon goût de mourir tôt en duel, vengeance d'une de ses victimes au jeu.La voilà à Londres, qui reprend son métier d'enseigner aux enfants des bonnes familles, la route croisée de Daniel Defoe, qui l'entraîne à participer au "Magasin des enfants".
Et dans ce "Magasin des enfants", d'abord, les histoires qu'elle sait raconter, les vieux contes qui se promènent d'âge en âge et de pays en pays. Le sous-titre se veut gage de la marchandise : "Contes moraux pour l'éducation de la jeunesse". Mais la loi du conte ne change pas : les malheurs y sont de vrais malheurs. Ainsi cette phrase de "La Belle et la Bête" : "Je veux bien vous pardonner, à condition qu'une de vos filles vienne volontairement pour mourir à votre place".
Alors quel plaisir que revenir à cette langue du XVIII° siècle, l'admirable syntaxe mise en souffle par la voix du conte, où l'expérience de la musicienne et tous les aléas de la vie donnent résonance.
À l'inusable "La Belle et la Bête", nous avons joint quatre autres histoires brèves, sur même fond d'humanité qui se rêve.
Et si par hasard vous voulez prêter votre tablette ou liseuse à quelque jeune tête, sur le siège arrière de la voiture, vous verrez s'il ne s'agit pas aussi de textes pour le présent..
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Pour le seul plaisir de la phrase de Chateaubriand, pour la brièveté et la densité de ce texte, pour la fondation de l'approche romantique, et pour le plaisir que j'ai moi-même ces dernières semaines à découvrir l'échelle géographique du continent américain !
Et une prose fondatrice de tout l'élan lyrique dont est capable la nôtre.
Sa brièveté même à la mesure inverse de la Révolution qui s'accomplit, a contraint Chateaubriand a l'exil, décapite son frère. C'est aussi en creux qu'il faut lire ce magnifique poème en prose sur le destin et l'aventure humaine.
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Comment expliquer qu'une oeuvre restreinte comme celle de Poe puisse nous être à nous tous océan ?
Parce que, via la réinvention Baudelaire, elle se saisit de nos rêves via l'inconscient de notre propre langue, et cette épiphanie de mystères qui de toute façon d'avance nous cernent ? La soeur, le portrait sur le mur, l'eau devant la maison, la nuit et la ruine, puis la morte enfin qui revient. Et les livres, les instruments de musique, l'enferment où est Roderick Usher : immense poésie de la langue seule, mais Lovecraft ne serait pas d'accord - il y a trop pris lui aussi.
Et bien sûr, dans la suite restreinte de l'oeuvre Edgar Poe, des noyaux plus volcaniques. Des densités de nuit, des fulgurances. Roderick Usher surgit blême en avant de l'oeuvre et nous appelle.
Il y a Metzengerstein, Le Scarabée d'or et d'autres: mais La chute de la maison Usher est probablement le centre le plus absolu de la grammaire Edgar Poe.
Faites comme tout le monde, apprenez par coeur la première page, et le mot fuligineuse. Ou relisez-la, trois fois.
D'aller au bout, à vous de savoir si vous prenez le risque: on garde longtemps sur soi le trouble. Cela s'appelle littérature. C'est beau comme un jazz. Tant pis.
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Qui ne connaît pas les contes de Perrault ? C'est comme les fables de la Fontaine, un patrimoine quasi originel.
Mais ce qu'on connaît, c'est les histoires. Comme infiniment reprises, déclinées, racontées. Quand ce n'est pas remplacées par les adaptations filmiques, parfois chargées de tout le merveilleux de l'enfance.
Mais, comme dans la Fontaine aussi, c'est ce creuset de la langue française au 17ème: comme Racine, comme Bossuet, comme Sévigné ou un peu plus tard Saint-Simon. La langue s'aventure dans des terrains neufs, s'y ébroue, et ne peut y tenir que par ce parfait équilibre, cette respiration. Elle découvre qu'ici, dans ce terrain neuf, elle entre en possession de son bien - mais elle ne reconnaît plus sa propre peau, sa propre forme.
Perrault a écrit en prose (on rassemblera bientôt ici les contes en prose), et en vers. Un conte de facture peut-être plus classique, où se forge l'outil: Griselidis. Et Peau d'Âne.
Dans Peau d'Âne, on retrouve les figures sans lesquelles il n'y a pas le conte: la gueuse à la fin épouse le prince.
Mais ceux qui lisent Saint-Simon savent bien la dimension et le déséquilibre que prend, au temps de Louis XIV, le mariage forcé. Les Mémoires du "petit duc" sont remplis de ces récits pathétiques, vies sacrfiées.
Perrault attaque ici. Non seulement on va marier la fille du Roi de force, mais c'est son père qui veut l'épouser. Débordement de l'ordre: l'inceste s'ajoute à l'autorité imposée. Il n'y a pas de recours, que se détruire: Peau d'Âne, en gagnant ce nom, construit sa destruction.
C'est ce qui rend si beau le vers, sa coupe, sa syncope. Depuis combien de temps n'avez-vous pas lu Peau d'Âne ?
Et si vous préférez écouter, version audio (26') à télécharger...
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