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Elenya éditions
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La Grande Utopie. Une société dirigée par l'Empire, où tout est parfait et chaque être évolue au quotidien dans une harmonie exemplaire.
Pourtant, les dirigeants de Nemesis semblent vouloir aller toujours plus loin dans la recherche de la perfection. Pour atteindre cette excellence, le Conseil Utopique décide alors de remonter le temps pour modifier le cours de l'Histoire et prévenir certaines erreurs du passé.
Êtes-vous prêts à faire ce voyage et en assumer les conséquences ? Laissez-vous emporter par le tourbillon enivrant d'une expérience hors normes, menée par un gouvernement inlassablement en quête d'idéal pour son peuple.
Nemesis est la deuxième publication d'Elenya Éditions dont l'histoire prend place dans un univers steampunk.ebook (ePub) 4.49 €Table
• Pour les autres
• Le retour des fétides
• Bordures
• La maison de poupées
• L'écharpe de soie
• La porte au bout du jardin
• L'arche
• Le puits
• À l'eau de...
• Paysage avec figure
• Annexe : circonstances d'écritureebook (ePub) 4.99 €Extrait
Préface
Les Royaumes Renaissants est un jeu de rôle historique, gratuit et massivement multijoueur sur navigateur web. Dans cet univers persistant, une simulation de l'Europe du XVe siècle, chaque joueur incarne un personnage qui participe à la vie économique, politique et sociale de son village, de son comté, de son royaume et par ricochet du monde occidental dans son entier...
Depuis 2004, Celsius online offre aux passionnés l'opportunité de réécrire l'Histoire et a ainsi donné naissance à une vaste uchronie de dix ans d'âge.
Les joueurs y font vivre et interagir leur personnage avec ceux des autres joueurs grâce à des discussions instantanées (chats), des échanges de courriers et une multitude d'autres actions accessibles en quelques clics sur l'interface du jeu ; mais aussi grâce aux centaines de forum mis à leur disposition : c'est là que la dimension narrative des Royaumes Renaissants s'épanouit pleinement, nourrie par des milliers de plumes engagées dans un ballet ininterrompu d'histoires collectives appelées Role Plays ou RP.
Les joueurs mettent ainsi en scène leur personnage en lui conférant une personnalité et une psychologie propres avec une liberté d'action qui n'est limitée que par leur imagination et par les actions des joueurs participant au même RP. Ces centaines de milliers de RP écrits par les joueurs trouvent en parallèle leur écho dans l'écosystème économique, politique, social et religieux géré par le moteur du jeu : la simple narration sur le forum d'un désaccord entre deux personnages influents pourra par exemple déclencher une guerre totale entre deux provinces, guerre jouée à la fois via l'interface du jeu à coups de clics, de stratégies et de tactiques sophistiquées et racontée en même temps sur le forum par ses différents protagonistes...
Pour fêter les dix ans des Royaumes Renaissants, Celsius online rend hommage à tous ces auteurs anonymes en présentant pour la première fois au grand public des Role Plays sous forme de livre. Elenya Éditions a relevé le défi d'adapter et de publier ainsi trois RP écrits par six joueurs sur les forums du jeu. Ces histoires mettent en scène leurs personnages joués dans les Royaumes Renaissants avec parfois des personnages dits secondaires dont les auteurs-joueurs peuplent leurs RP pour en enrichir la narration. Si les textes originels ont été fidèlement retranscrits ici, nous en avons adapté la forme qui se rapproche des livrets des pièces de théâtre.
Vous pouvez accéder aux Role Plays dans leur forme originelle en vous rendant sur le site des Royaumes Renaissants : www.lesroyaumes.com
Charles-Édouard Garcia, dit Brennos
Responsable communication chez Celsius online
Avertissement
Notre préoccupation principale en adaptant ces trois Role Plays a été de trouver une mise en forme équilibrée permettant la lecture fluide d'un texte initialement conçu pour un support virtuel obéissant à des codes différents.
En initiant le travail d'adaptation, il nous est apparu très vite que la forme d'une pièce de théâtre rendrait au mieux les caractéristiques d'écriture alternée entre les auteurs, et par extension l'enchaînement de la prise de parole de leurs personnages.
Toutefois, se sont ensuite posées les problématiques d'harmonisation des styles. Chaque auteur incarne différents personnages au travers d'autant d'écritures qu'il adaptera en fonction de la personnalité, de l'histoire, des objectifs de vie etc. de chacun de ses avatars. Pour autant, si ces personnages sont très souvent fouillés, leur langage adapté, leur vie détaillée, lorsqu'ils interviennent au cours des aventures, le plus important est surtout d'échanger et de faire progresser l'histoire. Au détriment parfois d'une unité de style dans l'écriture.
En effet, s'agissant d'histoires écrites finalement à la manière des cadavres exquis, il n'est ni rare, ni incohérent dans un Role Play que tel personnage parle ou pense au passé alors que tel autre s'exprimera davantage au présent.
Ainsi, pour conserver au maximum la spontanéité de l'écriture des auteurs - d'une certaine façon, les interventions sont toujours des premiers jets -, nous avons choisi parfois de ne pas harmoniser les temps, de garder le présent là où peut-être en littérature un temps du passé aurait été requis.
Lecteurs, ne soyez donc pas étonnés si vous rencontrez au fil des pages un personnage parlant de lui à la troisième personne et non à la première personne, pensant au présent en début d'histoire puis plus tard au passé.
Plongez simplement dans l'histoire et laissez-vous surprendre.
Excellente lecture à tous.
ebook (ePub) 4.99 €Extrait
Outis émoï onoma
Fabien CLAVEL
Parrain de l'anthologie
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Homère, Odyssée, IX, 366-367
Le vieillard venait souvent réchauffer ses membres transis au soleil, assis sur un rocher d'ambre.
Il sentait la lumière l'envelopper, peut-être pour la dernière fois. Il tourna son front dégarni vers l'astre brûlant. Souriant d'un sourire qui accentuait encore ses nombreuses rides, il fermait ses yeux fatigués et attendait.
- Quel beau temps, n'est-ce pas ?
Aucune réponse ne vint. Il ne parut pas s'en formaliser. Pourtant, quelques secondes plus tard, il se redressa.
- Je ne devrais pas te dire cela à toi : cette chaleur t'a coûté la vie. Pour cela, je devrais détester le jour. Mais je n'y parviens pas. J'ai besoin de sentir un peu de tiédeur dans ma moelle. Tu me pardonneras, j'espère.
Il se tourna vers une statue d'un jaune translucide qui représentait un jeune homme. Ce dernier arborait des traits sereins, évoquant une vague ressemblance avec l'aïeul.
Le vieillard soupira.
Puis son regard erra sur le paysage noyé de clarté. Partout se retrouvait le même matériau doré et diaphane dans lequel avaient été sculptées des statues, mais aussi des rochers et des buissons, si bien que, de loin, on pouvait prendre ce décor pour un pan de nature.
En réalité, il suffisait d'avancer de quelques dizaines de pas pour en atteindre le bord. Ensuite, la mer et son bleu profond commençaient, encerclant l'île, et paraissaient ne jamais devoir finir.
Ce fut sans doute la raison pour laquelle le vieillard sursauta en entendant une voix autre que la sienne.
- Salut à toi.
- Qui est là ? demanda-t-il.
Un individu trapu souriait dans sa barbe. Ses dents blanches étincelaient presque au milieu de la toison noire. Pourtant, il n'y avait aucune joie dans ce rictus appris.
Les deux hommes se toisèrent.
Vêtu d'un simple pagne, l'inconnu présentait un poitrail de boeuf et des cuisses musculeuses dont l'une était barrée d'une grosse cicatrice. Il devait posséder une force exceptionnelle.
Le vieillard eut un mouvement de recul.
- Si c'est Minos qui t'envoie, sache qu'il est déjà mort depuis longtemps. Les filles du roi Cocalos l'ont tué.
- Ce n'est pas Minos qui m'envoie, répondit l'inconnu. Mais j'aimerais bien savoir comment il est mort. J'adore les histoires...
- Dis-moi d'abord quel est ton nom, étranger, puisque tu es sur mon île.
Le rictus s'élargit, presque menaçant.
- Ici, on m'appelle Nanos, ce qui signifie « l'Errant » en langue étrusque.
- Tu viens donc d'Aïthalia ?
- Tout comme tu viens de la ville de Camicos puisque tu en as évoqué le souverain, Cocalos. Il n'y a que le détroit de Charybde et Scylla entre les deux. Mais tu ne m'as pas révélé ton propre nom...
Le vieillard hésita un instant à répondre. L'Errant observa les environs.
- Ce n'est rien, dit-il, je devinerai par moi-même. Voyons : nous sommes sur une île qui semble entièrement faite d'ambre. Elle a donc été façonnée par la main de l'homme. J'en veux pour preuve cette statue à laquelle tu parlais. Le jeune homme sculpté te ressemble, j'en déduis qu'il s'agit de ton fils. Tu es donc sculpteur et architecte.
Il ne vérifia même pas s'il avait raison et poursuivit son raisonnement :
- Tu as fui le pouvoir de Minos en Crète pour te réfugier auprès de Cocalos en Sicile. Tu as visiblement perdu un fils. Or, je ne connais qu'un homme possédant toutes ces qualités.
Cette fois, il planta ses yeux dans ceux du vieillard.
- Tu es Dédale. Et c'est ton fils Icare qui est représenté ici.
- C'est bien moi, s'inclina l'architecte.
Ses paupières se plissèrent distillant un éclat rusé.
- À mon tour, dit-il doucement. Nanos n'est qu'un surnom. Tes manières sont celles d'un roi (j'en ai assez côtoyé pour les reconnaître), mais tes habits sont ceux d'un pauvre pêcheur. J'en conclus que tu es un souverain en exil. Tu portes sur la cuisse une ancienne cicatrice de chasse. C'est un sanglier sans doute qui t'a fait cela. D'autre part, tu connais Charybde et Scylla, tu apprécies les histoires et tu as fait montre de grandes capacités de déduction. Tu es...
L'autre l'interrompit en levant une main :
- Ne prononce pas ce nom. Je ne suis plus cette personne. Je ne suis plus personne. Appelle-moi donc Outis, si tu le veux bien.
Il y avait une grande douleur dans ces quelques mots. Dédale n'insista pas.
- Comment es-tu arrivé ici ? demanda-t-il après quelques instants.
- À la nage. J'ai aperçu ton île au loin et j'ai voulu y voir de plus près. Au fil du temps, je me suis dépouillé de beaucoup de mes traits de caractère, mais je suis resté curieux.
Outis regarda au loin.
- Je m'étonne de ne pas voir la côte d'Aïthalia. Le temps est pourtant clair.
Dédale eut un sourire dans sa longue barbe pendante.
- Oh, mais mon île n'est pas comme les autres, dit-il avec délectation. Elle se déplace...
***
Ce fut ainsi que le dénommé Outis rejoignit l'île d'ambre. N'ayant manifestement rien de précieux à quitter, il se fit rapidement aux conditions de vie insulaires : on mangeait principalement du poisson grillé, de la seiche, ainsi que des algues arrangées.
Souvent, Dédale mettait ses filets à la traîne et les retirait prêts à se rompre, au point que ses bras fatigués parvenaient à peine à accomplir cette tâche. Parfois, il ramenait un dauphin dont le foie constituait un excellent ragoût.
- Cela me rappelle Ithaque, disait Outis.
Et il s'assombrissait.
Le vieillard n'osait l'interroger plus avant craignant de découvrir des secrets inavouables. Il avait suffisamment souffert pour ne pas chercher à fouiller dans les anciennes blessures.
Peu à peu, Dédale lui dévoila l'architecture de son vaisseau.
L'île avait été entièrement excavée de manière à former un palais souterrain comprenant une centaine de pièces.
Le centre en était une salle immense, entourée d'une colonnade, dont un coin était entièrement encombré d'objets divers. Le sol et le plafond étaient taillés dans l'ambre le plus transparent et l'on pouvait y voir à la fois le ciel et la mer. En outre, le sculpteur avait découpé deux carrés pour former une ouverture à ciel ouvert et l'autre où l'eau affleurait comme un bassin.
- Contrairement à ce qu'on pourrait penser, je n'ai pas bâti cela pour observer les poissons, expliqua-t-il. Pendant longtemps, je n'ai fait que tourner autour de l'île de Samos, là où mon fils Icare est tombé. Je cherchais son corps. J'avais construit ce navire en trompe-l'oeil afin de ne pas trop attirer l'attention. La Crète n'était pas loin et Minos pouvait me surprendre à tout moment.
Il se laissait porter par ses souvenirs.
- C'est ainsi que j'ai découvert la vie qui grouillait sous la plaine liquide. Peu à peu, j'ai réussi à éviter tout contact avec la terre. La mer me suffisait.
- Mais pour l'eau ?
- Ce trou dans le plafond est là à dessein : il capte la pluie et la verse dans des réservoirs. Jusqu'à présent, je n'en ai jamais manqué.
Outis était curieux de tout. Il ne cessait d'interroger l'architecte sur ses trouvailles.
- Mais par quel moyen ton île se déplace-t-elle ?
Dédale se taisait, à la fois heureux de l'indiscrétion et jaloux de son savoir. Finalement, il céda et emmena son passager au plus profond de l'île mystérieuse.
Ils suivirent des couloirs incurvés, montant et descendant, des angles droits, des circonvolutions avant d'atterrir devant une porte d'ambre noir, totalement opaque.
- C'est ici que repose le secret de mon île, expliqua-t-il. Je te demanderai de ne pas révéler ce que tu y verras. Jure-le sur ce que tu as de plus cher.
Outis hésita longuement puis jura sur sa gloire. Satisfait, Dédale ouvrit la porte.
La salle qui s'étendait devant eux semblait faite entièrement de verre. Elle se trouvait sous le niveau de la mer et l'on voyait les eaux qui l'entouraient de toutes parts.
Au milieu de cette salle étaient installés des bancs. Sur ces bancs, des rameurs étaient assis et souquaient en rythme. Ils avaient tous la peau dorée et transparente.
- Des statues ! s'exclama Outis, stupéfait. Ce sont des statues d'ambre.
Les avirons passaient à travers des trous pratiqués dans la cloison. Pour éviter à l'eau d'entrer, on avait entouré le bois d'étoupe et de bitume.
- J'aime dire qu'elles sont mes jouets, comme nous sommes les jouets des dieux, déclara Dédale, non sans satisfaction. Je les appelle « automates » car elles se meuvent d'elles-mêmes.
- Mais par quel prodige ?
- Ah, les dieux n'ont rien à voir là-dedans comme le croient beaucoup d'hommes. Vois-tu, j'ai remarqué que la vapeur d'eau constituait une force importante. Je l'ai simplement mise à profit. Viens voir.
Il était heureux de pouvoir enfin dévoiler l'intégralité de son système à un autre que lui-même. Joyeux, il emmena Outis dans une autre pièce attenante. Là, brûlait un feu d'algues sèches, chauffant un important bassin d'où s'élevait une brume. Une sorte de cornet taillé dans un coquillage géant recueillait la vapeur.
- Il la conduit ensuite dans des tuyaux avant d'aboutir à des sphères d'où sortent des tubes. En s'échappant, l'air chaud produit la rotation des globes et entraîne celle d'un axe qui anime mes rameurs. Ils ne sont là que pour dissimuler la machinerie à l'oeuvre.
- Astucieux...
- Venant de toi, c'est un compliment de grande valeur.
Amadoué par ces révélations, Outis s'épancha à son tour. Il raconta comment, à son retour de la guerre de Troie, il avait retrouvé une Ithaque dévastée par les prétendants.
- Ce fut le début de mes désillusions. Je commençai par me venger des prétendants qui vivaient aux crochets de mon royaume depuis des années. Mais j'ai ensuite découvert que beaucoup avaient entretenu avec eux des relations plus que diplomatiques. Mes servantes avaient couché avec eux sans réticence. Je les ai fait pendre.
Il devint pensif.
- Mon épouse Pénélope que chacun me peignait comme un modèle de vertu avait en réalité accordé ses faveurs à l'un des prétendants : un certain Amphinomos. Elle ne m'a jamais pardonné de l'avoir tué d'une flèche en plein coeur. Je l'ai exilée à Sparte car le chagrin qu'elle traînait sans retenue dans le palais d'Ithaque me faisait si mal que je devais me retenir pour ne pas l'étrangler.
Il soupira.
- Je consultai l'oracle des dieux pour savoir si mon calvaire prenait fin. Mais on m'annonça que mon propre fils voulait ma mort. La rage au ventre, je me suis résolu à exiler Télémaque à son tour. Je l'ai envoyé à Corcyre mais je sais bien qu'il a trouvé refuge chez les Phéaciens et qu'il a épousé Nausicaa. Dommage. Il me restait encore un espoir de faire d'elle ma reine.
- C'est cela qui t'a fait renoncer à ton royaume ? demanda Dédale.
Outis ricana.
- Penses-tu ! Cette fois, les fils des prétendants m'ont intenté un procès pour le meurtre de leurs parents. Ils se sont plaints au roi d'Epire.
- Néoptolème ? Mais c'est pourtant le fils d'Achille ? N'est-ce pas toi qui l'as amené à Troie après la mort de son père ?
- Il n'en a hérité que la violence. Je savais qu'il comptait me destituer par ce procès joué d'avance. Mais plus rien ne me retenait à Ithaque. Je suis parti en Aïthalia. C'est là que j'ai aperçu ton île mouvante.
Il se tut.
Un peu plus tard, Outis interrogea son hôte sur la direction qu'ils suivaient.
- J'ai renoncé à retrouver le corps de mon fils, répondit Dédale. À présent j'erre sans but sans autre but que le plaisir de l'exploration.
Le voyageur prit un air rusé.
- Eh bien, je te propose une destination si tu en es d'accord.
- Laquelle ?
- Laisse-moi te surprendre. Ainsi, tu pourras me montrer comment on dirige cette île...
Le vieillard se savait mortel. Il soupesa longuement la proposition de son invité. Renonçant à laisser tout son travail se perdre après sa disparition, il accepta.
ebook (ePub) 5.49 €Extrait
Chapitre I
« Chez Magnus », GrayNet, NxF
Jusqu'à présent, mon esprit avait toujours été fragmenté en seize pièces. J'ai pris peur lorsque j'ai pressenti l'existence d'une dix-septième en arrière-plan de mes processus.
Hydra
Le moment que je préfère le plus dans une rencontre, c'est celui où je sens que la personnalité de l'adversaire se brise.
Bobby Fischer
Noctambule leva la tête du plateau d'échecs virtuel et regarda les avatars des spectateurs. Se tenaient là un humanoïde à tête de chat, qui affichait un sourire digne du félin de Cheshire dont il s'inspirait clairement, un vélociraptor aux écailles brunes zébrées de rouge et deux humains. Ou, pour être rigoureux, deux humains, en apparence. Parmi les quatre entités, impossible de dire qui était quoi avec précision. Chacune envoyait sur le Net le flux de données que les autres utilisateurs devaient afficher dans ce simulacre de réalité, et travestir sa nature était à la portée de tous. La jeune femme qui prenait des notes sur son clavier palmaire pouvait tout aussi bien être une intelligence artificielle qu'un programme de collecte de données. Peut-être s'agissait-il d'une véritable humaine, et dans ce dernier cas, Noctambule ne pouvait dire s'il jouait sous les yeux d'une Virtualisée1, connectée en permanence aux Nets, comme lui l'était, ou une Reine2. Ces dernières toutefois ne s'intéressaient que rarement aux activités lentes comme les échecs. Si ces humains avaient choisi de copier leurs personnalités en des dizaines de multicomptes, c'était pour être présents en plusieurs points des réseaux à la fois. Le besoin d'adrénaline de leur corps physique, resté dans la vie réelle, l'IRL3 comme on l'appelait couramment, nécessitait que leur esprit fût toujours en action et, en retour, il leur fallait vivre à haute vitesse. Ou peut-être côtoyait-il un M0rt4, une entité à la frontière entre l'humain et le virtuel, qui se constituait par l'agrégation des données personnelles d'un utilisateur décédé... Les M0rts étaient les créatures numériques les plus récentes. Ils mettaient certains utilisateurs mal à l'aise, mais ils représentaient aussi la preuve de la survivance d'un noyau d'esprit après la mort physique. Le cloud et les mondes informatiques permanents étaient les nouveaux royaumes des cieux.
Un peu plus loin de la position matérialisée dans le serveur pour la partie de Noctambule, d'autres tables accueillaient des joueurs dans un silence total. Certains duels avaient plus de spectateurs que le sien et l'humain en conçut une légère déception. Après avoir balayé du regard le forum dont les limites se perdaient dans un horizon brumeux, le jeune homme reporta son attention sur son adversaire. Il s'était présenté comme un humain et affichait un avatar de Lord anglais des siècles antiques, mais ses attaques manquaient suffisamment de panache et d'instinct pour que Noctambule doute de son humanité. Pour le moment, le Lord portait la main à sa Dame. Il l'inclina vers l'avant, mais resta indécis. Il se décida enfin à la soulever, mais pour mieux la laisser retomber en place. L'avatar était figé dans des calculs de force brute.
- Si je peux me permettre, dit le Noctambule devant l'apathie de son opposant, il n'y a aucune échappatoire. Je suis vraiment désolé de hâter la partie ainsi, je vous prie de croire que cela ne me ressemble pas, mais j'ai un rendez-vous de la plus haute importance dans une poignée de cycles sur un autre serveur et je n'ai pas de copie de moi-même à y envoyer.
Tendant la main au-dessus du plateau, Noctambule attrapa un de ses deux Cavaliers et le recula, puis réarrangea le plateau tel qu'il se présentait plusieurs coups en arrière.
- Pour me faire pardonner, laissez-moi vous expliquer, reprit-il en accélérant son débit de parole. Lorsque j'ai développé mon fianchetto5 il y a seize coups, vous auriez dû répondre avec ce Cavalier. Ne sous-estimez plus jamais les Cavaliers, même en fin de partie. Vous voyez où cela vous a mené, d'ailleurs. Vous auriez pu lancer une attaque sur mon flanc droit, que j'aurais contrée par un sacrifice pour vous forcer à vous enfoncer dans ma défense. J'aurais alors refermé le piège, vous aurais balayé, puis quelques coups après... Eh bien, nous serions arrivés dans une situation similaire, mais cela aurait été plus palpitant pour les spectateurs. Pour ceux qui ne voient pas aussi loin dans les demi-coups, il y aurait eu une bonne dose de suspense.
- Vous êtes insultant, Monsieur, répondit son adversaire.
- Je suis désolé que vous le preniez ainsi. Je m'en excuse, dit Noctambule en se levant. Sincèrement.
Le jeune homme se leva, inclina le Roi ennemi dont il s'était joué depuis le début, puis remonta les manches trop longues de son pull sur ses bras. Il tendit la main pour serrer celle du Lord qui refusa, nez levé, avec un dédain qui tenait du cliché que seuls de vieux programmes de l'ère 3.0 utilisaient encore dans leur bibliothèque d'émotions. Noctambule haussa les épaules et recula sa chaise, avide de passer à autre chose, signifiant aux routines gérant le serveur que la place allait se libérer. Les spectateurs, silencieux, s'écartèrent pour laisser passer le vainqueur ; d'un pas vif, celui-ci se hâta vers la sortie.
Elle était symbolisée en ce lieu par une grande arche de marbre blanc mêlé d'onyx. Entre ses piliers fluait un voile nacré mat. Le lieu imposait des restrictions précises sur les utilisations de routines qui lui interdisaient de quitter la zone virtuelle sans repasser par la supervision des programmes anti-intrusion. Il s'agissait d'une des lourdeurs d'accès que de plus en plus de sites dans le GrayNet mettaient en place. Pour ne pas se mettre à dos les principales Intelligences Artificielles, les IA6, qui régentaient l'accès aux ressources numériques, contrôlaient les trafics et les référencements, il fallait afficher patte blanche et accueillir des utilisateurs qui n'avaient rien à faire avec les DarkNets. Tous se rapprochaient peu à peu des niveaux de contrôle permanent caractéristiques du LightNet et du fichage systématique des utilisateurs. Il n'y avait qu'un pas avant des restrictions plus drastiques.
Une autre conséquence de ces à-côtés était la lenteur de navigation. De plus en plus d'algorithmes interagissaient entre eux et avec les utilisateurs pour gérer les lois physiques et les environnements superflus ailleurs : les serveurs se rapprochaient de plus en plus d'une réalité virtuelle calquée sur le monde réel et certains interdisaient même toute fantaisie dans les avatars.
À quoi bon vivre au sein d'un tel potentiel, si c'est pour s'imposer les limites de la réalité ?
Noctambule se fit la remarque tandis qu'il pensait à son propre domaine. Il s'était codé un petit coin tranquille, de forêt et d'océan mais il ne s'était pas bridé lui-même, il y restait omnipotent, capable de mobiliser ses programmes comme il le voulait en dépit des incohérences avec l'IRL.
- Tu n'as pas été tendre avec lui, entendit-il juste avant de franchir le seuil de la zone. Tu lui as même forcé la main en réclamant ta victoire sans le mettre mat.
Noctambule s'arrêta in extremis devant le voile palpitant de la sortie numérique et se retourna. Si la voix était féminine, elle émanait du corps du vélociraptor qui avait assisté à sa partie. Le contraste entre les deux était saisissant, même pour un humain de la génération Vie-rtuelle. Comme des millions d'autres aujourd'hui, il naquit alors que le réseau planétaire était déjà déployé, s'y connecta avant même de savoir marcher ou d'être propre et maîtrisait les différents codes de programmation comme autant de langues vivantes.
- Hydra ! salua Noctambule. Bah, tout le monde savait qu'aucun coup n'aurait pu le sauver et je suis trop vigilant pour concéder un match nul. Je m'étais douté que c'était toi quand tu as tiqué sur mon sacrifice de Dame.
- Oui, il me paraissait complètement injustifié. Tu n'as donc rien retenu de nos parties ?
- Suffisamment pour ne pas avoir joué la Défense Alekhine ! Tu sais qui me faisait face, par hasard ? Aux réactions, ça ne sentait pas l'organique.
- Un programme du nom de Cray Blitz. Un très vieux software, déjà obsolète à l'époque de tes grands-parents. Il est à peine intellectualisé. Il refuse de voir à quel point il est dépassé mais il a le mérite d'essayer de revenir sur le devant de la scène par lui-même. S'il venait à découvrir que tu n'es qu'un humain, il entrerait aussitôt en dépression.
Noctambule sourit, puis haussa les épaules. Il se tourna vers la sortie et programma son point de chute sur le voile nacré, entrant l'adresse d'un serveur neutre, à la lisière floue du Gray et du DarkNet, d'où il repartirait, une fois les lignes de codes gérant la virtualisation de son esprit débarrassées des mouchards et autres spywares récoltés en ce lieu.
- S'il creuse un peu plus, il trouvera peut-être que je suis l'humain qui a battu le supercalculateur Deeper Blue et qui tient tête à Hydra en version Scylla sans assistance. On se voit bien dans quelques microcycles pour notre propre match, d'ailleurs ?
Devant l'humain, le vélociraptor diminua de taille et de volume jusqu'à se muer en un petit coelophysis vert. Le dinosaure faisait cliqueter ses griffes les unes contre les autres, en affichant des smileys inquiets au-dessus de sa tête.
- Noctambule, je dois t'informer de quelque chose, dit-il. Je ne suis pas venue pour faire la route avec toi, mais pour te demander de ne pas aller jouer contre moi.
Tournant sa tête de part et d'autre, Hydra repéra un oeil multicolore qui flottait au-dessus d'eux, un des agents de collecte de l'IA Shannon, le successeur d'un ancien moteur de recherche. L'humain le vit également et voulut enclencher par réflexe son programme anti-intrusion avant de se heurter aux restrictions locales du serveur.
- Rejoignons-nous à l'Opéra, conclut Noctambule.
Dans le même mouvement, les deux avatars franchirent le voile et entrèrent les coordonnées du serveur suivant. Noctambule déboucha instantanément dans un forum de discussion, matérialisé ici sous la forme d'une grande place arborée. À l'ombre des troncs, des statues de mèmes internet tels que Nyan Cat et le Dramatic Chipmunk tournoyaient doucement sur leur socle. L'humain s'engouffra aussitôt dans un autre voile. Il sauta ainsi de place en place, quittant les strates supérieures du GrayNet pour s'approcher des Darks et rejoindre sa destination. Le cerveau habitué à ces déplacements à haut débit, il ne ressentit aucun malaise en prenant pied dans la poussière binaire.
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