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La Gibecière à Mots
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Maurice Renard (1875-1939)
"Il y a six mois - c'était exactement le lundi 16 juin 1913 à neuf heures du matin - je vis entrer dans mon studio la jeune chambrière qui me servait alors. Comme je venais d'entamer un travail passionnant et que la consigne était de me laisser tranquille, les paroles qui montèrent à mes lèvres furent trois ou quatre blasphèmes de choix. Mais la fille n'en eut point souci et continua d'avancer. Elle portait sur un plateau de laque une carte de visite, et sa figure exultait d'un triomphe si éclatant qu'elle avait l'air de mimer, avec des accessoires de fortune, la célèbre chorégraphie où Salomé promène sur un plateau d'argent la tête d'Iokanaan.
Je l'apostrophai avec bienveillance :
- Qu'est-ce qui vous prend ? C'est la carte du Père éternel que vous trimbalez ? Donnez. Ah ! mon Dieu ! Pas possible ? !... Faites entrer ! presto ! presto !
J'avais lu le nom, la qualité et l'adresse de l'homme illustre parmi les plus illustres, l'homme de 1912, l'homme du Péril bleu :
JEAN LE TELLIER - Directeur de l'Observatoire - 202, boulevard Saint-Germain
Durant quelques secondes, je contemplai d'un regard ébloui la fiche de bristol évocatrice de tant de gloire et de science, de malheur et de courage ; puis mon attention se fixa sur la porte. Bien souvent, au cours de la terrible année 1912, les feuilles publiques avaient reproduit les traits de M. Le Tellier, et je voyais d'avance apparaître au seuil de la chambre un visiteur dans la force de l'âge, avec un bon sourire et de grands yeux clairs sous un front large et pur, redressant sa haute taille et caressant d'une main déliée sa barbe soyeuse et brune."
1912. Tout débute comme un méchant canular : monuments vandalisés, arbres abimés, vol d'objets insignifiants... mais là où rien ne va plus c'est quand des animaux puis des personnes disparaissent... A Bugey, dans l'Ain, on commence à parler de "sarvants", sorte de petits lutins diaboliques ! L'astronome Jean Le Tellier et sa famille, est touché par le phénomène : sa fille disparaît en même temps que sa nièce et le mari de celle-ci... -
Maurice Renard (1875-1939)
"En ce qui touche Mme Orlac, l'histoire commence le 16 décembre, à 23 h 10.
C'est à ce moment que l'employé à casquette blanche traversa la gare du P.L.M.
Sorti d'un bureau, il allait vers les Départs, courant et criant :
- Empêchez le 49 de partir !
Alors les pressentiments de Mme Orlac se changèrent en angoisse. Et elle connut du même coup que ce malaise dont elle avait souffert toute la journée, c'était cela : des pressentiments.
Car c'est le propre des pressentiments de ne dévoiler leur véritable identité qu'après avoir disparu et lorsque les faits sont venus confirmer à la créature qu'elle avait de bonnes raisons d'être triste, inquiète, nerveuse. De bonnes raisons futures.
Jusque-là, Rosine Orlac ne s'était pas doutée qu'elle fût sombre par anticipation. Cette vague mélancolie, ce petit effroi latent, qui l'avaient saisie dès le matin, n'étaient pas pour elle inédits. Femme au superlatif, étant blonde et parisienne, il lui arrivait parfois de voir tout s'obscurcir, comme si un nuage eût caché passagèrement le soleil. Elle ne savait pas pourquoi. Elle ne cherchait pas à le savoir. « Tout le monde est comme ça. » Le lendemain, au réveil, le nuage avait passé, et la vie apparaissait de nouveau toute ensoleillée...
Mais, cette fois-ci, ce n'était pas la même chose ! Oh, non ! Elle s'en convainquit après coup. D'autant que la joie de retrouver Stéphen aurait dû chasser de cette journée tout papillon noir !..."
Mme d'Orlac attend le retour de son époux Stéphen, le célèbre pianiste Stéphen d'Orlac. Ella a un mauvais pressentiment qui se justifiera... Le train dans lequel est Stéphen déraille... Dans quel état retouvera-t-elle son époux ? mort... blessé ? Et ses mains... -
Wilkie Collins (1824-1889)
"En 1860, la réputation du docteur Wybrow, de Londres, était arrivée à son apogée. Les gens bien informés affirmaient que, de tous les médecins en renom, c'était lui qui gagnait le plus d'argent.
Un après-midi, vers la fin de l'été, le docteur venait de finir son déjeuner après une matinée d'un travail excessif. Son cabinet de consultation n'avait pas désempli et il tenait déjà à la main une longue liste de visites à faire, lorsque son domestique lui annonça qu'une dame désirait lui parler.
« Qui est-ce ? demanda-t-il. Une étrangère ?
- Oui, monsieur.
- Je ne reçois pas en dehors de mes heures de consultation. Indiquez-les lui et renvoyez-la.
- Je les lui ai indiquées, monsieur.
- Eh bien ?
- Elle ne veut pas s'en aller.
- Elle ne veut pas s'en aller ? répéta en souriant le médecin. »
C'était une sorte d'original que le docteur Wybrow, et il y avait dans l'insistance de l'inconnue une bizarrerie qui l'amusait.
« Cette dame obstinée vous a-t-elle donné son nom ?
- Non, monsieur. Elle a refusé ; elle dit qu'elle ne vous retiendra pas cinq minutes, et que la chose est trop importante pour attendre jusqu'à demain. Elle est là dans le cabinet de consultation, et je ne sais comment la faire sortir. »
Il semble que la mort soudaine de lord Montbarry, peu de temps après son mariage, soit naturelle, selon les médecins et les experts des assurances-vie : pneumonie.. Mais pourquoi avait-il rompu ses fiançailles avec la douce Agnès pour se marier avec la comtesse Narona que l'on dit aventurière ? -
Maurice Renard (1875-1939)
"Cette histoire extraordinaire commence très ordinairement.
À la fin du mois de septembre 1929, le jeune historien Charles Christiani résolut d'aller passer quelques jours à La Rochelle. Spécialisé dans l'étude de la Restauration et du règne de Louis-Philippe, il avait déjà publié, à cette époque, un petit livre très remarqué sur Les Quatre Sergents de La Rochelle ; il en préparait un autre sur le même sujet et estimait nécessaire de retourner sur place, pour y consulter certains documents.
Il nous a paru sans intérêt de rechercher pourquoi la famille Christiani était déjà rentrée à Paris, rue de Tournon, à une époque de l'année où les heureux de ce monde sont encore aux bains de mer, en voyage, à la campagne. L'automne se montrait morose, et ce fut, croyons-nous, la seule raison de ce retour un peu prématuré. Car Mme Christiani, sa fille et son fils ne manquaient pas des moyens de mener l'existence la plus large, et disposaient des gîtes champêtres où l'on goûte un repos plus ou moins mouvementé. Deux belles propriétés familiales, en effet, s'offraient à leur choix : le vieux château de Silaz en Savoie, qu'ils délaissaient complètement, et une agréable maison de campagne située près de Meaux ; c'est là qu'ils avaient passé tout l'été.
Au moment où nous sommes, le noble et spacieux appartement de la rue de Tournon abritait, en les Christiani, trois êtres parfaitement unis : Mme Louise Christiani, née Bernardi, cinquante ans, veuve d'Adrien Christiani, mort pour la France en 1915 ; son fils Charles, vingt-six ans ; Colomba, sa fille, moins de vingt ans, charmante, à qui nous devons l'adjonction d'un quatrième personnage : Bertrand Valois, le benjamin de nos auteurs dramatiques, le plus heureux fiancé sur le globe terrestre."
Charles Christiani fait la connaissance, par hasard, de Rita et tombe amoureux. Mais il déchante lorsqu'il apprend que Rita s'appelle Ortofieri... Les Christiani et les Ortofieri sont deux familles corses se vouant une haine : César Christiani a été assassiné par Fabius Ortofieri, un siècle plutôt. Mais il n'y avait aucune preuve de sa culpabilité... Charles fait une étrange découverte qui pourrait bien apporter la vérité... -
Jules Lermina (1839-1915)
"Vers onze heures du matin, par un doux soleil de printemps - on était au commencement d'avril, le 2, pour bien préciser - tout à coup des hurlements éclatèrent dans la rue Montmartre, à proximité du boulevard, tandis qu'une foule de coureurs rapides, mais peu élégants, se ruaient du coin de la rue du Croissant, les uns vers le carrefour, les autres dévalant vers les Halles, mais tous glapissant des sons aigus, incohérents, à travers lesquels l'oreille déchirée cependant percevait des fragments de mots sinistres :
- Le crime de l'Obélisque... D'mandez le Nouvelliste, édition spéciale. - Horribles détails.
Après quelques hésitations - car combien de fois n'avait-on pas été mystifié par la rouerie des camelots ! - quelques-uns achetaient la feuille, l'examinaient, puis subitement entourés, s'arrêtaient sur place comme médusés, et lisaient au milieu d'un groupe d'où émergeaient des faces anxieuses...
- Oui, oui !... un crime !... un assassinat !... De qui ?... On ne sait pas... L'assassin est-il arrêté ?... Je t'en fiche !...
Voici l'article court mais sensationnel qui motivait cette émotion
« Ce matin, à quatre heures et demie, à l'heure où Paris désert appartient aux balayeurs et n'est sillonné que par des haquets d'arrosage, un journalier, M. H... se rendait à son travail et, pour atteindre les chantiers de la Madeleine, traversait, venant de Grenelle, la place de la Concorde, quand tout à coup, du trottoir des Tuileries par lequel il la contournait, ses outils sur l'épaule, il lui sembla apercevoir, au pied de l'Obélisque, un peu au-dessus du sol, quelque chose d'anormal.
« Il passait d'ailleurs, sans plus se préoccuper de ce détail, quand, s'étant retourné une dernière fois « pour se rendre compte », il lui sembla que ce - quelque chose - avait forme humaine..."
Nous sommes au début du XXe siècle. Le cadavre d'un inconnu est découvert en plein Paris. Mr Bobby, un policier anglais en vacances, reconnaît formellement un certain Coxward. Mais il est prouvé que ce dernier était en Angleterre, quelques heures auparavant... Coxward ou pas Coxward... telle est la question ! -
Maurice Renard (1875-1939)
"Ceci arriva certain soir d'hiver, il y a plus d'un an. C'était après le dernier dîner que j'offris à mes camarades avenue Victor-Hugo, dans ce petit hôtel que j'avais loué tout meublé.
Rien d'autre que mon humeur vagabonde n'ayant motivé ce changement de domicile, on avait dépendu ma crémaillère nomade aussi joyeusement que nous l'avions accrochée naguère à ce même foyer, et, le temps des liqueurs étant venu avec celui des boutades, chacun de nous s'ingéniait à briller, surtout, naturellement, ce grivois de Gilbert, Marlotte, - l'homme aux paradoxes, le Triboulet de la bande, - et Cardaillac, notre mystificateur attitré.
Je ne sais plus très bien comment il se fit qu'au bout d'une heure de fumoir, quelqu'un éteignit l'électricité, exprima l'urgence de faire tourner une table et nous groupa dans l'ombre autour d'un guéridon. Ce quelqu'un - remarquez-le - n'était pas Cardaillac. Mais peut-être Cardaillac l'avait-il pris pour compère, si toutefois Cardaillac fut coupable.
Nous étions donc huit hommes, exactement, huit incrédules contre un petit guéridon de rien du tout, dont l'unique support se divisait en trépied et de qui la tablette ronde ployait sous nos seize mains, réunies selon les rites de l'occultisme.
Ces rites, ce fut Marlotte qui nous les enseigna. Il avait été jadis curieux d'incantations et familier des meubles giratoires, mais en profane, et, comme il était notre bouffon habituel, quand on le vit, d'autorité, s'arroger le gouvernement de la séance, tout le monde se laissa faire de bonne grâce en prévision d'une excellente pitrerie.
Cardaillac se trouvait mon voisin de droite. Je l'entendis étrangler un rire dans sa gorge et tousser.
Cependant la table tourna."
Nicolas Vermont décide de renouer, quinze après, avec son oncle, le docteur Verne, qui est le seul membre restant de sa famille. Mais les choses ont bien changé. Il ne reconnaît plus rien : le château, le jardin, les alentours... et même son oncle. Celui-ci le reçoit froidement car il effectue des recherches scientifiques qu'il garde secrètes, mais que choses étranges...