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BERNARD TURLE
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« Il était une fois un roi qui demanda à son magicien préféré de confectionner un miroir magique. Dans ce miroir, on ne voyait pas son reflet. On y voyait son âme : il montrait qui l'on était vraiment. »
À l'extérieur des murs barbelés du camp de concentration Kat Zet I se trouve la Zone d'Intérêt. Dans ce secteur résidentiel, les destins de quatre personnages s'entrechoquent : Paul Doll, le commandant du camp, Hannah Doll, sa femme, Angelus Thomsen, un officier SS et Szmul, le chef du Sonderkommando, témoin de la barbarie.
Dans La Zone d'Intérêt, roman choral, le grand écrivain anglais Martin Amis met en scène le mécanisme de l'horreur au sein du système concentrationnaire. -
À l'université d'UCSM, en Californie, un sujet est dans toutes les bouches : le passage à la télé du professeur Guy Schermerhorn et de son chimpanzé Sam - un singe pas comme les autres : il parle, Guy l'ayant initié à la langue des signes. C'est alors que, dans le hall, Aimee tombe sur un prospectus indiquant que le professeur cherche des étudiants pour l'assister dans ses recherches (comprendre : s'occuper de Sam). « Aucune expérience nécessaire, est-il précisé. Seulement de la patience et un dos à toute épreuve. » En effet, la tâche n'est pas de tout repos, ce dont peut témoigner la prédécesseuse d'Aimee, défigurée après une grave morsure. Mais la jeune étudiante s'en sort à merveille. Grâce à sa douceur maternelle, elle arrive à canaliser l'animal. Et puis elle lui change ses couches, lui donne le bain, répare ses bêtises, le câline, lui fait la cuisine - quand Guy ne commande pas des pizzas (le plat préféré de Sam). Voilà de quoi satisfaire le professeur : il a trouvé en elle la parfaite nounou. Et la parfaite petite-amie...
Cependant, une mauvaise nouvelle va mettre fin à cette idylle. D'après une étude qu'un certain Borstein s'apprête à publier, seuls les humains peuvent apprendre le langage, ce qui pousse le professeur Donald Moncrief - le grand manitou de la primatologie et à l'initiative de l'expérience menée par Guy - à mettre un terme à celle-ci. Il rapatrie Sam chez lui, dans l'Iowa, et l'enferme dans sa « grange aux chimps » sans autre forme de procès. Sauf que pour Aimee, Sam c'est toute sa vie. Et elle va tout faire pour le libérer.
On reconnaît ici l'humour grinçant si caractéristique du style de T.C. Boyle. Mais pour loufoque qu'il soit, ce roman n'en est pas moins sous-tendu par une réflexion métaphysique et éthique profonde : quelle est la frontière entre l'humain et l'animal ?
Traduit de l'anglais ( États-Unis) par Bernard Turle -
Londres, 1935. Geats travaille pour la police des Moeurs. Misanthrope et hargneux, il dirige la racaille de Soho selon un code moral élastique. Ses ruelles étroites sont peuplées de jazzmen, de bookmakers, de mafieux et de michetons. Aussi, lorsque le corps d'une prostitué est retrouvé au-dessus d'un club, les détectives de la criminelle se contentent de classer l'affaire comme un suicide. Geats, quant à lui, flaire déjà la piste d'un tueur pervers et insaisissable que l'on surnommera le Brigadier.
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" La fiction ne connaît nulle loi et sa liberté ne connaît aucune limite. La fiction, c'est la liberté. "
Inside Story est une invitation de Martin Amis en personne à parcourir sa vie, mais attention, sous la forme d'un roman s'il vous plaît ! Car d'après le grand provocateur des lettres britanniques, aucun espace n'offre plus de liberté que celui
de la fiction. Nous voilà partis pour une grande aventure de vie d'écrivain, de sa genèse à ses temps forts, de ses nombreuses amours à ses mentors, le tout parsemé d'observations et conseils uniques en leur genre. On découvre alors un texte empli d'esprit et de malice qui nous balade dans le temps, les cocasseries, les souvenirs et les émois.
Projet littéraire aussi colossal que loufoque, Inside Story est certes une ode à la vie de Martin Amis, mais surtout, une ode à la vie littéraire et à la liberté d'expression
la plus totale. L'autofiction n'aura jamais été aussi bousculée. -
Cat vient de s'installer en Floride avec son fiancé dans une magnifique maison sur la plage. Pourtant, elle s'ennuie. Un jour, sur un coup de tête, elle achète un des serpents les plus dangereux au monde, un python birman. De l'autre côté du pays, en Californie, c'est un tout autre achat qu'effectue sa mère Ottilie : de plus en plus sensible à son empreinte écologique, elle franchit un pas supplémentaire vers l'autonomie alimentaire et le recyclage des déchets en se dotant d'un réacteur à criquets. Son fils, Cooper, biologiste spécialisé dans les insectes, n'est pas étranger à ce choix. Mais alors que celui-ci accompagne sa petite amie à la recherche de tiques, il se fait piquer.
Ces choix spontanés et petits incidents vont entraîner une chaîne d'événements dévastatrice qui, depuis le microcosme de la cellule familiale, va s'insérer dans un contexte général de crise climatique. Aucun membre de la famille n'en sortira indemne. Car en Californie comme en Floride, on ne vit plus, on tente de survivre. Quand on ne meurt pas de chaud, c'est l'ensemble des insectes de la planète qui sont retrouvés morts. Les alligators rodent dans les rues inondées, le vent attise les flammes qui menacent d'engloutir les habitations au milieu de la nuit - à moins que ce ne soit l'océan qui finisse par les avaler.
Avec cette fresque environnementale pré-apocalyptique doublée de comédie noire, T.C. Boyle fait montre de toute sa maîtrise - et sa férocité - pour raconter l'accélération des catastrophes écologiques et intimes qui en découlent.
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Bernard Turle -
Au début du XIXe siècle, Philida, esclave noire mère de quatre enfants qu'elle doit au fils de son maître blanc, se rebelle quand elle comprend que celui-ci ne va pas tenir sa promesse de l'affranchir. Un formidable personnage féminin dans une histoire inspirée par un aïeul de l'auteur.
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Une gigantesque biosphère sous verre, plantée quelque part dans l'immensité de l'Arizona par la volonté démiurgique d'un milliardaire passionné de sciences. Une mer intérieure, une forêt tropicale, une mini-savane, un élevage de chèvres, et surtout, huit scientifiques - quatre hommes et quatre femmes - enfermés dans cette serre géante pendant deux ans, pour tester la résistance de l'être humain, sa capacité à vivre en autarcie, et observer la naissance d'un biotope, voilà le cadre du dernier roman de T.C. Boyle. Ce dispositif - qui a réellement été mis en place dans les années 90 aux États-Unis - permet au grand romancier de poser son regard féroce sur l'être humain en plaçant ses personnages sous une loupe grossissante. Au-delà de l'expérimentation scientifique, Boyle s'intéresse surtout aux interactions de huit personnes enfermées dans une promiscuité infernale pendant deux ans, obsédées par le principe que rien ne doit « ni entrer ni sortir », obsédées aussi par la nourriture, et par le sexe, bien sûr.
L'expérience nous est racontée par trois voix en alternance : celle de la très sérieuse Dawn, en charge des animaux dans la serre, celle de Ramsay, hédoniste et séducteur, responsable de la communication, et, de l'autre côté de la vitre, celle de Linda, l'amie de Dawn et néanmoins dévorée de jalousie à son égard, car reléguée dans l'équipe de soutien et obligée de commenter les événements de l'extérieur. À l'intérieur de la bulle, on travaille jusqu'à l'épuisement, simplement pour nourrir les huit terranautes, on cuisine à tour de rôle avec les moyens du bord en redéfinissant sans cesse les notions de faim et de satiété, mais on doit aussi se livrer à des mises en scène élaborées pour communiquer au monde extérieur une impression de bonheur. Car il ne faut pas oublier la publicité et les sponsors. Mais lorsque les projecteurs s'éteignent, les rivalités éclatent, et les attirances aussi. Quand Ramsay séduit Dawn, et quand cette dernière tombe enceinte, toute l'expérimentation est menacée...
T.C. Boyle nous plonge ici dans un huis clos qui ressemble fort à une émission de télé-réalité. Son humour est plus féroce et plus efficace que jamais. -
Lionel Asbo vient d'une banlieue où les garçons prennent le chemin de la prison plus souvent que celui de l'école, et où le pitbull est le meilleur ami de l'homme. Après avoir longtemps oeuvré dans le recouvrement de dettes par tous les moyens, il gagne un jour la modique somme de cent quarante millions de livres sterling à la loterie, ce qui lui permet de fréquenter enfin les héros de l'Angleterre contemporaine, les stars de la téléréalité comme celles du monde du football, et lui vaudra l'admiration éperdue de son neveu Desmond, jeune homme sentimental et brillant. Si ce dernier réussit à s'extraire de son milieu, il ne perdra jamais de vue les frasques de son oncle, chroniquées par le menu dans les tabloïds anglais, tout en redoutant qu'il ne découvre la faute impardonnable qu'il a commise au temps de son adolescence.
Martin Amis nous offre un portrait au vitriol de l'Angleterre d'aujourd'hui. Ce roman ravageur et terriblement drôle démontre une nouvelle fois la virtuosité verbale de son auteur. Son talent de satiriste et sa capacité à dépeindre l'Angleterre avec tous ses travers sont éclatants. -
Teinté d'humour et d'ironie, paru en Angleterre en 1950 et chez Fayard en 1989, le premier roman de la grande Barbara Pym chronique délicieusement les intrigues d'une paroisse faussement paisible, qui fleure bon la campagne anglaise...
Le nouveau vicaire semblait être un jeune homme très convenable, mais quel dommage que l'on vît, dès qu'il s'asseyait, le bas de ses caleçons longs négligemment fourrés dans ses chaussettes ! Belinda l'avait déjà remarqué lors de leur première rencontre au presbytère la semaine précédente, et en avait été fort gênée. Peut-être Harriet pourrait-elle lui en toucher un mot ; avec ses manières enjouées et sa franchise, elle parvenait toujours mieux que la timide Belinda à expliquer aux gens ces petits détails embarrassants. Les soeurs Bede vivent une existence tranquille et prospère. Volubile et coquette, Harriet voue un culte sans limite aux nouveaux vicaires ; timide et rêveuse, Belinda nourrit une passion pour l'archidiacre Hoccleve. Mais le quotidien de ces demoiselles pourrait bien être chamboulé par la venue d'un fameux bibliothécaire et d'un évêque africain... -
Roman-monde pour une ville-monstre, «Bangkok Déluge »regarde Bangkok changer à travers le destin kaléidoscopique d'une dizaine de personnages plus attachants les uns que les autres. Du XIXe siècle des grandes découvertes à l'avenir des tempêtes climatiques qui guettent, autour d'une même maison hantée qui lui donne son axe, la ville se fait tour à tour piège et refuge, se réinventant en permanence sous les assauts de la modernité comme du ciel. Tentaculaire et limpide, porté par un souffle et une force motrice rares, le premier roman de Pitchaya Sundbanthad est un voyage, une expérience d'immersion totale.
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« Elle fut déconcertée par la voix de Cecil, une voix qui parut s'approprier très vite et très résolument leur jardin, leur maison et le week-end à venir, une voix nerveuse, prompte, semblait-il, à proclamer qu'elle se moquait de qui l'entendait, une voix dont les intonations étaient teintées en outre d'un brin de moquerie et de la certitude de sa supériorité. »
Tout commence en 1913, dans le jardin d'une maison de campagne anglaise, lorsque le timide George Sawle invite pour le week-end son camarade de Cambridge : l'aristocratique, énigmatique et capricieux Cecil Valance. Ces jours dans la maison familiale et le poème qu'ils inspirent à Cecil vont changer leur destin. Et plus encore celui de Daphné, la jeune soeur de George. En ce printemps où rien n'annonce encore les proches bouleversements de l'Histoire, un pacte se noue secrètement entre ces trois personnages, point de départ d'une fresque saisissante à travers le siècle et les vestiges du temps, par l'un des plus grands romanciers anglais contemporains, Alan Hollinghurst, lauréat du Booker Prize en 2005 pour La Ligne de beauté.
« Hollinghurst mérite incontestablement la place du meilleur romancier anglais contemporain. Éblouissant. » The Guardian
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Alors qu'il est en croisière en Amérique centrale avec son épouse, Sten Stensen, ancien Marine, sauve les touristes d'un gang armé en tuant leur chef à mains nues. À son retour, notre héros malgré lui n'aspire qu'à retrouver sa vie de paisible retraité sous le soleil californien.
Seulement voilà. Sten a un fils, Adam. Et Adam ne va pas très bien. Souffrant depuis longtemps d'une forme aiguë de psychose paranoïaque et délirante (il est notamment persuadé d'être la réincarnation d'un coureur des bois du 19e siècle), le jeune homme est tombé dans les filets d'une dénommée Sara Hovarty Jennings, de quinze ans son aînée. Sara vit seule avec son chien, et le reste du monde est son ennemi. Elle nourrit une haine viscérale contre « le gouvernement illégitime des États-Unis d'Amérique » et contre toute forme d'autorité. Sous son influence, Adam va devenir incontrôlable et basculer dans une folie qui est aussi celle de l'Amérique contemporaine, hantée par le démon de la violence. -
Comment j'ai raté mes vacances
Geoff Nicholson
- Robert Laffont
- Pavillons poche
- 25 Octobre 2012
- 9782221131749
" Ne vous inquiétez pas, messieurs les policiers, je peux tout expliquer... "
Votre vie peut basculer très vite, même en vacances ! Motivé par une crise existentielle, Éric a décidé de goûter aux délices du camping-caravaning en famille. Malgré une tenace bonne volonté et un goût modéré pour l'imprévu, les événements déroutants et effrayants s'enchaînent. Sa femme est prise de pulsions sexuelles irrépressibles, sa fille traverse une crise de mysticisme et son fils retourne à l'état sauvage. Viennent s'ajouter à cette tribu déjantée un policier cinglé et des corps sans tête.Dans cette comédie grinçante, les scènes cocasses, voire hilarantes, côtoient des situations plus tragiques... L'élixir satirique subtilement dosé ajoute au burlesque que Geoff Nicholson manie avec talent. -
Ils sont trois frères nés, l'un après l'autre, un 8 mai d'après-guerre, à un an de distance. Le père, contraint de renoncer à ses ambitions littéraires, se fait veilleur de nuit puis camionneur. La mère disparaît sans laisser d'explication pour resurgir inopinément des années plus tard. Les garçons s'élèvent seuls et partent chacun tracer leur chemin dans un monde aussi varié que dangereusement fascinant. Harry, l'aîné, actif et déterminé, qui a vite compris que " les mots ne coûtent rien et se fabriquent au mètre ", devient journaliste, tandis que Daniel, le cadet, timide et solitaire, poursuit des études qui le mènent à Cambridge et à une carrière de critique littéraire, célèbre pour ses recensions d'une méchanceté raffinée. Quant à Sam, le benjamin, c'est le rêveur, le vagabond dépourvu d'ambition (le travail, pour lui, est " une forme de mort "), amateur de nonnes, de clochards et d'âmes en détresse. Très vite, les trois frères perdent tout contact jusqu'au jour où une sombre histoire de marchand de sommeil, de scandale politique et de meurtre les réunit, les révélant à eux-mêmes de manière tragique. Mais qu'on ne s'y trompe pas : c'est Londres le personnage central de ce roman dont la richesse visionnaire évoque irrésistiblement Charles Dickens. Londres dont le passé, comme le démontre brillamment Ackroyd de livre en livre, ne cesse de dévorer le présent...
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San Miguel, c'est le nom d'une île minuscule au large des côtes californiennes. Sur ce lopin de terre aride qui pourrait faire aussi bien figure de paradis que d'enfer, les destinées de deux familles, à plusieurs décennies de distance, vont se croiser. Le jour de l'an 1888, Marantha Waters débarque sur la côte ; elle n'a pas quarante ans et la tuberculose menace de l'emporter ; son mari, Will, espère que cet exil sauvage lui redonnera la force et le goût de vivre. Un demi-siècle plus tard, la famille Lester s'établit à son tour sur l'île, fuyant la Grande Dépression et le souvenir traumatisant de la Première Guerre mondiale. Animés par un optimisme farouche, ils tenteront de créer, en microcosme, une société idéale, mais les cahots du monde moderne et les spectres d'une nouvelle guerre vont bientôt frapper à leur porte. Dans ce roman salué par la critique américaine comme l'un de ses plus beaux, TC Boyle peint une ode pastorale grandiose où il met en scène, avec une puissance rarement atteinte, l'un de ses grands thèmes de prédilection : l'éternelle confrontation de l'homme et de la nature.
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L'amour et l'oubli
André Brink
- Éditions Actes Sud
- Romans, nouvelles, récits
- 5 Mars 2014
- 9782330029760
A l'aube de la vieillesse, un grand écrivain sud-africain revisite son passé pour ne pas oublier le visage et l'histoire de ses amours perdus, ces femmes qui chacune à leur manière symbolisent les grands bouleversements de ce pays brûlant de violences et d'engagements.
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Par une belle journée d'avril 1943, dans les laboratoires Sandoz à Bâle, c'est un accident de manipulation qui permet au professeur Albert Hofman de se rendre compte de la puissance du diéthyllysergamide, cette molécule qu'il a réussi à synthétiser à partir de l'ergot. Intrigué par sa propre réaction suite à l'ingestion involontaire du produit, le chimiste fonde immédiatement de grands espoirs thérapeutiques sur sa découverte. Mais c'est seulement près de 20 ans plus tard et de l'autre côté de l'Atlantique, dans le département de psychologie de l'université de Harvard, que l'on s'intéressera vraiment au potentiel de ce qui est encore considéré comme un médicament et qui deviendra une drogue à la mode connue sous le nom de LSD.
Fitz est justement étudiant de cette prestigieuse université en 1962 quand son directeur de thèse, Tim Leary, commence des expérimentations avec la fameuse molécule produite par les laboratoires Sandoz. Malgré sa situation financière précaire - sa femme Joanie a arrêté ses études quand elle est tombée enceinte et son salaire de bibliothécaire ne permet pas à la petite famille de vivre correctement - Fitz est irrésistiblement attiré par le petit cercle qui gravite autour de Tim Leary et de son collègue Dick Alpert et se réunit tous les samedis soirs lors de « séances » visant l'élargissement des consciences. Très vite, lui et son épouse sont happés par l'expérience hallucinatoire et psychédélique, et cherchant à la renouveler le plus souvent possible, une vie en dehors de la petite communauté de fidèles leur paraît bientôt impossible. Lorsque les autorités académiques de Harvard finissent par exclure Tim et Dick à cause de l'absence de rigueur scientifique de leurs travaux, mais aussi parce que la presse a commencé à s'émouvoir de leurs pratiques, ils n'hésitent pas longtemps avant de rompre les amarres. Avec une douzaine d'autres fidèles ils déménagent à Millbrook, dans le nord de l'État de New York, et s'installent dans une grande bâtisse qu'on prête à Tim afin qu'il puisse aller au bout de ses « recherches ». Mais si le sexe et les « trips » dominent le quotidien d'une communauté désormais incapable de vivre sans les prises régulières de LSD (appelé « le sacrement »), ils mettent aussi à rude épreuve le couple de Joanie et Fitz, ainsi que l'avenir de leur fils Corey...
À travers ce saisissant portrait de groupe, T.C. Boyle fait revivre une époque, celle du début des années 60, quand Aldous Huxley, J.F. Kennedy, John Coltrane et les Beatles faisaient la une des journaux, ce moment de l'Histoire où toute une génération éprise de liberté avait imaginé que les psychotropes permettraient à l'humanité tout entière de vivre une autre vie.
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Bernard Turle -
Dans le miroir ; appassionata
André Brink
- Éditions Actes Sud
- Romans, nouvelles, récits
- 5 Mars 2014
- 9782330029746
Deux histoires qui se répondent et s'entrecroisent pour dresser une étrange métaphore de l'Afrique du Sud, ce pays dont les sortilèges s'abattent sur ceux qui pensent leur appartenance identitaire assez forte pour les protéger.
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Le projet Fanon a poursuivi John Edgar Wideman des années durant : après avoir lu Les damnés de la terre, l'écrivain américain n'a eu de cesse de vouloir ressembler à son auteur, l'intellectuel et psychanalyste martiniquais, et démarrer une révolution, qui contribuerait à libérer le monde du fléau du racisme. Forcé de constater son impuissance, il a entrepris de faire revivre cette figure de la lutte contre l'oppression sous la forme d'un texte très personnel, dans lequel il imagine un écrivain, Thomas, sorte de double fictionnel de Wideman, qui tente d'écrire sur Fanon, dans une Amérique d'après le 11 septembre où la peur de l'autre n'a pas faibli.
Ce personnage reçoit un jour un colis étrange, qui contient une tête coupée, et il plonge alors dans une enquête fiévreuse sur l'identité de l'individu qui s'est présenté à lui sous cette forme macabre comme pour lui rappeler que l'écrivain ne peut échapper à la violence du monde et qu'il lui revient d'en rendre compte. Mais comment Thomas peut-il procéder sans tomber dans les approximations de la fiction et se laisser emporter par la flamme de l'idéologie? Avec une intelligence pleine de mordant, Wideman encourage et vilipende sa créature romanesque, lui offrant la matière de sa propre existence - son enfance dans le ghetto de Pittsburgh, les relations complexes qu'il entretient avec son frère mis au ban de la société, le courage d'une mère qui aurait aimé rencontrer Fanon - afin qu'il puisse nourrir sa fiction, et utiliser au mieux les pouvoirs de l'écriture pour rendre compte du monde d'aujourd'hui et de ses démons. -
Johannes, le narrateur, naît à Vienne en 1927. L'Histoire a tôt fait de venir se mêler de sa vie ordinaire, et de celle de sa famille. Johannes devient un partisan enfiévré d'Adolf Hitler : parce qu'il est soumis, à l'école, à un lavage de cerveau permanent, mais aussi, sans doute - la suite le laisse supposer -, parce qu'il est instinctivement porté vers le Mal. Il revient très vite du combat, défiguré et manchot à 17 ans. C'est alors qu'il découvre que ses parents, antinazis, cachent au grenier une jeune Juive, Elsa. Lui, l'antisémite farouche, est d'abord séduit par l'idée de contrôler le destin d'un de ces êtres qu'il a appris à haïr. Puis il se laisse toucher par le regard de la jeune fille, qui n'exprime aucun dégoût pour son infirmité. Commence alors une passion dévorante, et une cohabitation qui durera toute une vie : la mort frappe la famille de Johannes, jusqu'à ce qu'il se retrouve seul avec sa proie. À la fin de la guerre, il lui fait croire que les Nazis ont gagné, et qu'elle ne peut sortir de la maison sans courir à sa perte... Tout Le ciel en cage est dans cette relation étrange, d'une ambiguïté vertigineuse entre les deux héros. Qui trompe l'autre ? Johannes qui, par amour mêlé de haine, retient la jeune femme prisonnière ? Ou Elsa que l'on devine forcément complice de ce jeu de masques, manipulatrice suprême sous ses airs de victime ? Le monologue de Johannes, la description de la vie à Vienne durant ces années noires, la narration d'un huis clos de cauchemar mènent le lecteur au bord du précipice. Car le dégoût et la fascination se mêlent, irrésistibles, signe d'un livre d'une puissance très rare.
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Miss Laila armée jusqu'aux dents
Manu Joseph
- Philippe Rey
- Roman français
- 13 Février 2020
- 9782848767918
Le portrait cru et satirique de la classe politique indienne actuelle, électrisée par la peur du terrorisme.
Un immeuble s'est effondré à Mumbai. Coincé sous les décombres, un homme en piètre état révèle les mouvements en temps réel d'une adolescente sur le point de commettre le pire. Un détective apprenti poète est chargé de mener l'enquête et de la prendre en filature. -
Un peintre est un soir accueilli dans son atelier par une créature de rêve et deux charmants enfants métis qui l'appellent papa. Marié depuis toujours à une blanche, il constate pourtant très vite que cette femme noire le connaît parfaitement et qu'elle le considère de toute évidence comme son époux. Halluciné, terrorisé mais aussi fasciné, David pense avoir perdu la tête, ou la mémoire, ou les deux à la fois, et le voilà parti dans une spirale infiniment troublante...
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" Vous n'échapperez pas au bonheur ", affirme, en gros, Unni, adolescent des années 1980 fasciné par les délires collectifs, avant de sauter du toit de son immeuble d'une cité de Madras. Pourquoi ce suicide ? Telle est la quête - l'enquête - de son père, écrivain raté, ivrogne et néanmoins journaliste d'investigation. À travers des monceaux de vignettes, de planches, de bandes dessinées réalisées par son fils, par le biais de témoignages de ses anciens camarades de classe pris entre pensées profondes et coups de ceinture paternels, Ousep tente d'adoucir ses doutes et ceux de son épouse, Mariamma, elle-même détentrice d'un secret ancien. Dans son deuxième roman, en partie autobiographique, imprégné par l'univers volontiers sybillin des concepteurs de BD, Manu Joseph livre le portrait d'un groupe d'adolescents tourmentés par les grandes questions philosophiques (la vie est-elle un accident ?). Le tout exacerbé par le contexte indien, le goût de la procrastination, la passion distanciée des quêtes spirituelles et les défis jusqu'au-boutistes de la jeunesse. Nourrie de plans panoramiques comme de gros plans, de séquences comme d'ellipses et jouissant de multiples angles de vue, sans oublier les flash-backs, l'enquête d'Ousep avance et piétine à la fois, entraînant le lecteur dans un perpétuel travelling latéral dont les figurants soit lèvent le voile sur la psyché de l'adolescent indien d'aujourd'hui soit en démontrent toute l'imperméabilité.
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Queer city ; l'homosexualité à Londres, des Romains à nos jours
Peter Ackroyd
- Philippe Rey
- 6 Septembre 2018
- 9782848766904
Un essai passionnant révélant Londres sous un angle inédit : celui de l'histoire de sa population homosexuelle
Le Londres romain fourmillait de
lupanaria, de
fornices, de thermes. L'homosexualité était admirable, jusqu'à l'arrivée de l'empereur Constantin et des premières lois criminalisant les pratiques. S'ensuivit une boucle sans fin de laxisme et de censure - de la caste militaire normande aux " moeurs dépravées " à la tendance au travestissement des années 1620, du XIXe siècle et sa vague d'exécutions pour sodomie à la " peste gay " des années 1980. En passant par les grandes figures de Shakespeare, Marlowe, le Chevalier d'Eon, Wilde, Forster...
Ackroyd retourne avec bonheur aux origines de la vie londonienne et de son langage pour en tirer une topographie du désir voisine de celle de la répression. Tandis que nous vivons aujourd'hui une ère de tolérance grandissante,
Queer City retrace ce cheminement en explorant l'histoire cachée de Londres depuis les Romains jusqu'à nos jours, sans jamais omettre les horreurs et les risques.
Empreint du style vif si caractéristique de l'auteur,
Queer City célèbre la diversité et le dynamisme de la population homosexuelle, masculine comme féminine, de Londres. Anecdotes surprenantes, surnoms improbables et récit historique érudit se succèdent avec esprit, rigueur et brio.