"Dans un placard dont on a fait un sanctuaire ne ressemblant en rien à un sanctuaire et qui abrite discrètement quelques âmes inoubliables et inoubliées, il y a une petite boîte en bois laqué pour le thé en poudre. Elle contient une toute petite portion des cendres de mon père que j'avais prélevée d...
Sur un fond de silence et de solitude, on perçoit le bruissement de la mer. La ferme est seule en contrebas, plus seule encore que je ne l'imaginais d'après les lettres et les descriptions. Maintenant que je tiens Barnhill sous mes yeux, maintenant que je peux contempler ce paysage, cet...
"Des infirmes, des sensitifs furent longtemps les plus qualifiés pour voir. Leur inaptitude aux luttes, aux travaux les tenait à l'écart, disponibles, pensifs - c'est pareil. L'heure est venue, au XXe siècle, où cette élite vulnérable a éprouvé l'impossibilité d'aller plus loin, dans une Europe qui ...
Un livre de raison, tenu sur quatre saisons, comme il y a quatre humeurs et quatre âges. Choses vues, notations, réflexions et aphorismes : l'humeur noire domine, portée parfois à la fureur devant la dévastation d'une culture, la ruine de la langue, la vulgarité arrogante des médias, les signes irré...
«Il ne s'y attendait pas. Et, à vrai dire, il n'y tenait pas. Toutes ces années à fuir, à se draper dans les brumes feutrées de Venise, dans des cathédrales vaporeuses, dans des femmes qui ressemblaient à des paysages. Et ils étaient là. Suppliciés, implacables. Un jour il avait pris son crayon et i...
'L'inexprimable bonheur de l'enfance, celle-ci sublimée peut-être, avec l'immense bonté qu'eurent mes parents pour moi, c'est ce bonheur trop lourd à surmonter dans le souvenir laissé qui, par les trouées du temps pour peu que je m'y plonge, me sert de p ...
«Soigner, c'est-à-dire soigner jusqu'au bout, c'est traverser un champ dont on ne connaît ni l'état du sol, ni la nature des herbes. C'est accepter les fleurs d'orties, la gadoue putride, les entorses et aussi les odeurs fraîches, l'ombre piquetée de soleil d'un arbre solitaire. C'est fatigant et du...
'Né à Lucques à deux pas de la cathédrale Saint-Martin, achète avec son premier cachet une bicyclette, aime les voitures rapides et rutilantes, fumeur invétéré, chasseur, doué pour la mélodie, prétend que ses deux instruments préférés sont le piano et le fusil de chasse, chiche par nature, débourse ...
Le temps, c'était donc lui la figure de proue à l'avant de tous les navires, monstre ou sirène aux formes lisses dans le vent du départ, visage mouillé de larmes après avoir essuyé les tempêtes, vieux bois vermoulu survivant à tous les naufrages et flottant à la fin sur les eaux de la mémoire. C'est...
«Comme tous les jeunes Allemands de l'Est et de l'Ouest, Robert Enke a dû apprendre au lycée Le Roi des aulnes. Il y a huit strophes de quatre vers soit autant de vers que d'années dans la vie de Goethe quand il écrit le poème et dans la vie de Enke quand il se jette sous un train. Depuis deux b...
"Quelle image surgit au nom de Francis Scott Fitzgerald ? Le Fitzgerald de la défaite, de La Fêlure ? L'excentrique de l'âge du jazz qui éprouve toujours le besoin de se faire remarquer et de se rendre insupportable ? Le romancier respectueux de son art, mais qui gaspille son talent à écrire des nou...
«Il m'était apparu que la losophie prenait sa source chez Queneau comme chez moi dans une adolescence chaste, d'origine provinciale, à la recherche d'un impossible système pour contenir le monde, déçue dans sa quête du savoir absolu. Il y avait eu une invention qui était sienne, cela, je ne le con...
« Il reste le soir seul dans l'atelier, dispose les coupelles des différents dosages de blancs obtenus, les applique sur des feuilles différentes, puis dans d'autres coupelles mélange les blancs premiers entre eux, les numérote comme les feuilles qu'il dispose dans tout l'atelier, enfin sort faire q...
"J'ai écrit ces impressions sur Pascal Pia peu à peu, chaque fois que je m'interrogeais sur son personnage et sur ce qu'il représente pour moi. Je n'avais pas l'intention de les publier. D'ailleurs, j'ai conscience de n'avoir pas dit le dernier mot. Et comment trouver le dernier mot, avec Pia ? De s...
« Si j'ouvre mes vieux albums, les compagnons d'autrefois, la plupart disparus, me regardent. C'est un plaisir un peu triste et puis, d'autres jours, un face-à-face avec le néant. Certains, certaines étaient jeunes et séduisants, vraiment beaux. Ils n'auront jamais été vieux. Au bout d'un moment, il...
'En approchant son visage de la glace qui surplombait la cheminée du salon on dit qu'il cherchait alors sur sa peau qui lui semblait de plus en plus bilieuse au fur et à mesure de ses échecs politiques, de ses succès littéraires, les uns attirant étrange ...
"Quand nous nous rendons rue Vaneau, Marc Bernard et moi, pour faire lire à Gide le début des Nourritures terrestres, l'écrivain a soixante-dix-huit ans. Cette même année, il va recevoir le prix Nobel. Il est vêtu d'un costume de velours noir et chaussé de babouches. Gide se met à lire de façon déc...
Je crois, mon cher Benjamin, que vous etes inconscient autant qu'inconstant. Dieu sait si ma patience, ma mansuétude envers vous sont grandes ! J'ai 'r peu prcs tout accepté : vos dérobades, vos mensonges, vos insolences... Mais vous pouviez réfléchir un instant avant de m'envoyer de telles lettres ...
L'oeuvre de Robert Walser, toute en séquences égrenées sur des notes fines, entre rire et pleurs, grâce et gravité, il faut la feuilleter d'une main légère. Ce grand promeneur invite à la promenade. Le fil rouge, c'est lui-même, en ses multiples versions. Il a beau se choisir des masques, de toute f...
L'oeuvre de Robert Walser, toute en séquences égrenées sur des notes fines, entre rire et pleurs, grâce et gravité, il faut la feuilleter d'une main légère. Ce grand promeneur invite à la promenade. Le fil rouge, c'est lui-même, en ses multiples versions. Il a beau se choisir des masques, de toute f...