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Je suis rentré dans ce livre, un samedi de soleil après beaucoup de pluie, tâtonnant... et cela m'a pris, dans la durée, et l'ai lu d'une traite (pourtant lu sur iPhone, avec maquette peu adaptée pour cela, preuve que ces outils nouveaux peuvent soutenir la lecture dense).
Si ce texte est d'une facture quasi classique, elle est complètement dépassée par la puissance d'une présence en arrière-plan, comme floue mais tout du long, là, prégnante : le siège, la guerre...
Et dans cette atmosphère flottante, la guerre là comme "à distance", ce Sarajevo froid, humide, les rencontres se jouent et "toute la relation tenait dans l'instant de sa réalisation"...
Mais voilà comment l'auteur, Yvan Prat, mieux que nous, en parle :
"Ma Bosnie, c'est l'Herzégovine et Mostar. C'était il y a plus de 15 ans. Je faisais des piges, j'enseignais l'histoire. La seconde guerre mondiale, l'Algérie, la résistance. La presse nous abreuvait de photos et d'un discours très ambigu sur l'inadmissible à notre porte et l'impossibilité d'agir, sur les crimes et l'espèce de violence endogène aux Balkans. ça égorgeait beaucoup en Algérie.
Je venais de régler une question matérielle ; je n'avais plus qu'une alternative : c'était l'Algérie ou la Bosnie. Pour « voir », pour comprendre. J'ai beaucoup lu, rencontré un drôle de don Quichotte et je suis parti. D'abord avec L'Espoir dans le sac et une latence. J'ai monté une association et pendant 4 ans j'ai fait des navettes. Echanges avec des étudiants, des lycéens, camps de vacances, théâtre de rue, kayak, escalade... J'ai surtout tissé un lien physique avec des gens et des lieux. Je n'ai rien fait là-bas que le voyage sous la forme qui me convient le mieux : en partageant du travail avec les personnes que je rencontre.
Il y a eu un certain nombre de déclencheurs : Romain Goupil lors d'une rencontre sur une projection de Lettres pour L... et j'ai eu la chance d'être reçu par Paul Garde [1]. Il y existait autour de la militance contre cette guerre tout un réseau de crétins et de gens formidables. Là-bas il y avait Sanela, Almira, Hajro (mon petit frère), Maïda, Sanja, Smajo, Nermina, Adnan, Danielle ... Ici et ailleurs : Clovis, Damien, Anna, Claude, Jean-Michel, Marie-Hélène, Sébastien... Et tant et tant !
C'était de la vie, de la vie solide comme un monolithe. Et puis les gorges de la Neredva, les falaises de calcaire, la rocaille de l'accent bosanski, le kitch post-communiste, les kafkaïennes situations quand les frontières poussaient comme des champignons. J'ai vu des mômes de 17 ans comme des héros de la FTP-MOI (en vrai !), des belles jeunes femmes plus fortes que des armées. Tant de choses à raconter encore."
Fred Griot
Post-Scriptum
Notes
[1] Vie et mort de la Yougoslavie, éd. Fayard. Et surtout Journal de Voyage en Bosnie-Herzégovine, La Nuée Bleue