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Guillaume Decourt
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Zoo
En ce temps-là nous lancions des cacahuètes aux petits singes du zoo de Vincennes. C'était un temps de fête. Il n'était pas interdit de nourrir les animaux sauvages. Nous n'avions que peu de décors pour la mise en scène. Les allers-retours du prêteur sur gage n'étaient pas difficiles à suivre. Qui n'a pas vécu dans les années voisines de celles-là ne sait pas ce que c'est que le plaisir de vivre. -
« La tour Eiffel scintille chaque nuit / je porte mes bottes de Tasmanie », écrit Guillaume Decourt dans ce détonnant recueil irrigué d'images ramenées du monde entier, telles des légendes. Après une enfance passée entre Israël, l'Allemagne, la Belgique et le Massif central, le poète a vécu à Mayotte, en Grèce, et même en Nouvelle-Calédonie. De ses voyages et de bien d'autres horizons réels ou inventés, il puise un matériau singulier, à la puissante force évocatoire, distillé dans les instantanés que sont ces soixante-dix dizains à la précision millimétrée.
Percutant et concret, chaque poème peut se lire comme une énigme et une micro-scène en forme de patchwork. La voix du poète pose sa douce et drôle mélancolie dans un kaléidoscope de paysages vivants et immémoriaux, peuplés de personnages charismatiques et d'oiseaux exotiques. Cheminant dans la sophistication décalée de cette géographie intérieure, on croise le fantôme d'une femme aimée, l'enfant qu'ils n'ont pas eu, des rêves d'héroïsme et de bravoure masculine dépassée par l'épreuve des années, un rien blasée. « Quelqu'un me manque, je ne sais pas qui » - « ce soir je suis presque heureux de ma vie », constate celui dont la rime et la rythmique penchent souvent du côté de l'espièglerie et de l'autodérision. Tant que subsistent quelque part « un ciel très bleu et des citrons très jaunes », l'écriture est avant tout, avec Guillaume Decourt, un art de la gaité. -
Qui est Christopher Graham? Pour le savoir il faudra, entre autres, participer au barbecue organisé par un directeur de prison haute sécurité, dans le voisinage d'un vétéran du Vietnam surveillant sa boîte aux lettres avec un fusil d'assut ; flâner à Harvard et contempler longuement La Comtesse Noire ; ou encore à Provincetown, s'immerger dans le milieu LGBT. D'ouest en est, des histoires se répondent. 37 poèmes de formes fixes, en voie de disparition, pour évoquer paradoxalement les USA dans toute leur contemporanéité. Les clichés associés à l'American way of life sont passés dans la camisole du pastiche, de la dérision tout autant que du dramatique et du tragique. Le "voyage" y est mis en doute en ce qu'il peut relever de l'illusion à l'ère de la mondialisation. Si tout est "vrai" dans le Bonjour de Christopher Graham, Guillaume Decourt nous rappelle, dans le même temps, que rien n'est plus fictif que la vie d'un homme.
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A 80 km de Monterey, on aborde Big Sur, la côte la plus sauvage de la Californie, où vécut Henri Miller. Une destination qui est moins réelle que fantasmatique, qui est moins un lieu que l'état d'esprit contemplatif avec lequel le poète observe et saisit la beauté du quotidien, au fil des nombreuses étapes d'un voyage au coeur du monde auquel il nous convie.
On y croise un violoniste tsigane à l'Hôtel Astoria de Budapest ; des bisons sauvages dans la forêt de Bialowieza ; une professeur de fitness à Boston; ou encore un révérend écossais concupiscent à Glasgow.
Poésie des faits ; poésie des lieux ; des histoires s'entremêlent entre l'Europe et l'Amérique et forment un continuum chapitré. Chaque poème a ici fonction de "certificat d'existence", à la manière des calendriers d'hiver des Indiens des Plaines où étaient consignés les événements d'une année. Déjà auteur de neuf livres de poésie, traduit dans une dizaine de langue, Guillaume Decourt poursuit avec ce recueil de quarante-quatre poèmes de quatre quatrains, un cycle narratif élaboré autour de la forme fixe.